Antoine Doinel fait l'école buissonnière avec son copain René. Autour de lui,
les adultes ne sont que de tristes figures : sa mère (belle indifférente) court
le guilledou avec un inconnu; son père (officiel mais pas biologique) ne pense
qu'aux courses automobiles; son instituteur (injuste et démodé) enseigne des
poèmes stupides...
François Truffaut refusa de dire que ce premier film était autobiographique.
Pourtant chaque séquence reflète à l'évidence un épisode, une émotion,
directement liés à son passé. Ne pas dire, ne pas expliquer, ne pas
revendiquer... mais simplement montrer. Cette défense vient de l'enfance du
réalisateur, entièrement fondée sur le non-dit, et dont le cinéma s'est chargé
de colmater les brèches, pour devenir le seul mode d'expression possible. La
véritable instigatrice de ce silence fut sa mère, qui mit le petit François au
monde à 18 ans, sans jamais lui révéler l'identité de son père. Les Quatre Cents
Coups est donc une sorte d'hommage aigre-doux, plein de rancoeur et de
supplication, à cette génitrice mystérieuse. Dans la rue, Antoine Doinel
surprend les conversations apocalyptiques de commères décrivant leurs
accouchements; pendant sa fugue, il tète goulûment une bouteille de lait, comme
s'il s'agissait d'un biberon; à l'école, le professeur d'anglais lui fait
inlassablement répéter la terrible question « Where is the father? » (« Où est
le père? ») Jean-Pierre Léaud, double troublant du cinéaste, faisait ses
premiers pas au cinéma. Sa dégaine de caneton hirsute et gouailleur continue de
fasciner.
|