D'où vient l'émoi profond qui nous submerge à chaque vision de ce joyau ? Des
talents d'alchimiste de Cukor, qui sait que les pleurs de rire ont le même goût
que les larmes d'amertume.
Il commence avec une excellente satire de la presse à sensation et de la
haute société, mais jamais n'a recours à la parodie facile et méchante. Ce qui
le fait jubiler, c'est la fantaisie échevelée du langage de deux paparazzi.
Tordantes, inattendues et implacables, les répliques fusent avec une insolence
ahurie. Trois petits tours et s'en vont. Pas question de s'attarder ni de forcer
le trait : Cukor a trop de chevaux de bataille pour en essouffler un seul. Il
veut aussi parler des femmes, dont il est devenu le metteur en scène fétiche.
Katharine Hepburn trouve ici l'un des plus beaux rôles dont une actrice
puisse rêver. Au milieu de ses éclats de rire, Cukor lui offre de grands moments
d'émotion suspendue, où les masques tombent, où le désir, l'amour et la douleur
s'expriment à l'état brut. Ici réside le secret de la modernité de ce film, qui
change de registre avec une souplesse exaltante. Il faut le voir cent fois pour
en épuiser les richesses.
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